La marche envoûtée le long du Chemin étroit vers les contrées du Nord Kaïdin M. Le Houelleur, artiste contemporaine d’Afrique Une empathie pour la nature et le temps
Depuis octobre, l’artiste Kaïdin M. Le Houelleur – qui vit en Côte d’Ivoire – revient sur les pas du Chemin étroit vers les contrées du Nord pour créer des installations sur les lieux qui jalonnent le parcours. De père français et de mère vietnamienne, cette artiste sillonne l’Afrique depuis l’âge de dix-sept ans et crée des Ouvres dans la nature. Elle travaille en associant les matériaux qu’elle trouve sur place, comme dans l’une de ses installations où elle suspend un tissu rouge depuis un arbre, au-dessus d’un étang de nénuphars.
Ses oeuvres ont été exposées au Pavillon africain de l’Exposition universelle 2000 de Hanovre, ou encore dans un hôtel au Japon.
Conseillé par une amie, elle a commencé l’année dernière à lire la traduction française du recueil de poèmes de Bashô, Le chemin étroit vers les contrées du Nord. La nature et le temps tels qu’on les ressent à travers la manière dont Bashô combine les sonorités ou les couleurs, c’est ce que j’ai toujours recherché en Afrique » se dit-elle après lecture. Au fur et à mesure qu’elle découvre les vers de Bashô comme le calme, le chant des cigales s’imbibant dans les rochers » naît en elle le désir de se rendre sur les lieux- mêmes où Bashô a composé ses poèmes.
Si elle n’a pas pensé que les sites seraient conservés tels qu’ils étaient il y a plus de trois cents ans, elle supposait cependant que la même sensibilité devait exister encore quelque part dans le Japon actuel. Le voyage a commencé à Nikkô, il s’est poursuivi dans le Tôhoku, puis dans le Hokuriku. Après un premier repérage effectué par train, en voiture, et parfois à pied, l’artiste a choisi de produire ses installations sur vingt sites qui l’ont inspirée. A la cascade de Nikkô – Urami elle a aligné des pierres ‘, sur le rocher Sesshô-ishi de Nasu ce sont des origami en forme d’insectes qu’elle a disposés.
Il n’est pas rare que des touristes japonais s’étant approchés d’elle, engage une conversation. En relisant les phrases de Bashô sur place, de nombreuses idées me sont venues. Les oeuvres une fois achevées seront pourtant détruites quelques jours plus tard, il ne restera donc d’elles que des photos ou des films. L’artiste a pour projet de publier un livre l’année prochaine et de réaliser un film documentaire. Elle est actuellement à la recherche de sponsors au Japon.
Le chemin étroit vers les contrées du Nord de Matsuo Bashô reste aujourd’hui très apprécié autant pour les haïkus composés par le poète au fil du voyage qui l’emmena de la ville d’Edo au Hokuriku en passant par le Tôhoku, qu’en tant que chroniques de voyage. Traduit dans plusieurs langues, le recueil connaît également de nombreux amateurs à l’étranger. Envoûtés par ce Chemin, deux artistes étrangers l’ont emprunté cet automne.